Il y a chez beaucoup de présidentiables une tendance à emprunter les thèmes, l'argumentaire et les références de la famille politique qui lui est opposée. Il s'agit de se distinguer de ses adversaires proches politiquement et d'élargir son assise électorale. Je pense que c'est une erreur, car, même si aucun sujet ne doit être tabou et que chaque problématique doit être abordée , il faut trouver des réponses au regard de la philosophie et de la tradition de chaque famille politique, afin de ne pas brouiller les cartes et de ne pas favoriser l'impression que les différences entre droite et gauche n'existent plus. Cette impression est renforcée par le fait que beaucoup d'hommes politiques ont fait les mêmes écoles, et de ce fait semble être formatés.
A quelques jours de la déclaration de candidature de Martine Aubry, l'offre politique semble s'éclaircir. Au delà de quelques candidatures de témoignage, on devrait avoir 3 candidatures à gauche qui représentent 3 grandes familles de pensée.
Au parti socialiste, le duel annoncé Hollande/Aubry ne doit pas faire oublier les candidatures Montebourg, Royal, Valls ou encore l'hypothétique candidature Moscovici. L'aile gauche du PS semble avoir renoncé à une candidature malgré son influence au congrès de Reims, à mon grand regret. Quant au Parti Radical de Gauche, il devrait s'associer aux primaires du PS en échange d'un accord pour les législatives. Reprenons les candidatures dans l'ordre.
Martine Aubry risque d'être candidate aux primaires, comme elle avait été élue première secrétaire du PS, c'est à dire par défaut. Sa motion n'était arrivée qu'en troisième position du congrès malgré une alliance très large entre strauss-kahniens, aubrystes et fabiusiens. Son élection a été favorisée par la constitution d'un front Tout sauf Ségolène avalisée par l'aile gauche du PS et comme monnaie d'échange à une candidature DSK aux primaires du PS. Le choix de Martine Aubry était le choix de la seule personnalité de poids du PS qui n'était pas présidentiable. Une nouvelle fois, la candidature Aubry, quelque soit ses qualités, se révèle être la conséquence d'un accord large de caciques du PS pour constituer un front anti Hollande.
Hollande surfe pour le moment sur une vague inattendue de popularité, qui risque de s'éroder une fois la campagne lancée. Le soutien maladroit de Chirac pourrait avoir deux effets contradictoires : celui de droitiser sa candidature mais également de légitimer l'homme d'Etat. Le débat Hollande/Villepin a montré que peu de choses les distinguaient, d'autant plus que Villepin développe depuis peu des positions peu communes dans son camp sur le mariage homosexuel, la dépénalisation du cannabis ou encore le revenu citoyen. Hollande a même laissé entendre qu'un rapprochement était envisageable au second tour avec lui, ainsi qu'avec Bayrou, dont il parle comme d'un partenaire naturel de la gauche.
Royal, qui n'est jamais tout à fait morte politiquement, continue à developper un discours moral et démagogique et à cultiver la parenté avec François Mitterrand. Peut être la moins génée par la personnalisation de cette élection, elle fait le pari d'un rapport direct avec le peuple, mais elle a sans doute grillé ses cartouches lors de la dernière élection présidentielle.
Valls, c'est le candidat de droite pour qui souhaite voter à gauche. Ses positions sur la sécurité, sur les 35 heures ou sur l'assistanat le placerait même à la droite des proches de Borloo ou Villepin.
Enfin, la candidature de Montebourg me semble être la plus intéressante ou, du moins, la plus audacieuse notamment lorsqu'il parle de démondialisation ou de capitalisme coopératif. On peut tout de même s'interroger sur l'opportunisme de ce dernier qui a soutenu Ségolène Royal aux dernières primaires du PS et qui a fait contribution commune avec les strauss-kahniens Moscovici et Cambadelis.
S'ils devaient présenter une candidature aux primaires, les radicaux présenteraient Baylet. Les négociations restent cependant ouvertes avec deux partis écologistes de droite, Cap 21 de Corinne Lepage et Génération Ecologie.
Chez Europe Ecologie-Les Verts, le candidat ne sortira pas des rangs des Verts. Eva Joly était il y peu proche du Modem de Bayrou et Hulot n'est pas vraiment un homme de gauche.
Le Front de Gauche a réglé le problème de la candidature car chacune de ses composantes a validé la candidature Mélenchon. Fort de ses succès électoraux lors des élections cantonales, européennes et régionales, le Front de Gauche devrait profiter de l'affaiblissement du NPA et de Lutte Ouvrière, d'une part et de reports de l'électorat le plus à gauche du PS et/ou de Europe Ecologie les Verts en fonction du résultat des primaires.
Enfin, on a du mal à croire en une candidature de Chevènement et je pense plutôt à une volonté de créer un rapport de force permettant une meilleure représentation des thèmes que défend le MRC et une meilleure négociation en vue des législatives.
A droite, les candidatures se multiplient et se superposent dans un espace politique réduit au centre droit : Borloo, Boutin, Bayrou, Villepin, Nicolas Dupont Aignan. Les menaces, intimidations ou promesses de l'UMP devraient en éliminer quelques unes. La menace d'un 21 avril à l'envers devrait éliminer les autres. Seul Bayrou, qui mise sur une qualification au second tour et Nicolas Dupont Aignan, à condition qu'il réunisse les signatures suffisantes devraient se maintenir.
La menace Lepen restera liée, à mon avis, au poids de l'abstention.